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Le Bourgeois Gentilhomme Cloture de la pièce
PREMIERE ENTRÉE
Un homme vient donner les livres du ballet, qui d'abord est
fatigué par une multitude de gens de provinces différentes,
qui crient en musique pour en avoir, et par trois Importuns,
qu'il trouve toujours sur ses pas.
DIALOGUE DES GENS
qui en musique demandent des livres.
TOUS
À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi, Monsieur:
Un livre, s'il vous plaît, à votre serviteur.
HOMME DU BEL AIR
Monsieur, distinguez-nous parmi les gens qui crient.
Quelques livres ici, les dames vous en prient.
AUTRE HOMME DU BEL AIR
Holà! Monsieur, Monsieur, ayez la charité
D'en jeter de notre côté.
FEMME DU BEL AIR
Mon Dieu! qu'aux personnes bien faites
On sait peu rendre honneur céans.
AUTRE FEMME DU BEL AIR
Ils n'ont des livres et des bancs Que pour Mesdames les grisettes.
GASCON
Aho! l'homme aux libres, qu'on m'en vaille!
J'ai déjà lé poumon usé.
Bous boyez qué chacun mé raille;
Et jé suis escandalisé
De boir és mains dé la canaille
Cé qui m'est par bous refusé.
AUTRE GASCON
Eh cadédis! Monseu, boyez qui l'on pût être:
Un libret, je bous prie, au varon d'Asbarat.
Jé pense, mordy, qué lé fat
N'a pas l'honnur dé mé connaître.
LE SUISSE
Mon'-sieur le donneur de papieir, Que veul dir sti façon de fifre?
Moy l'écorchair tout mon gosieir À crieir,
Sans que je pouvre afoir ein lifre:
Pardy, mon foi! Mon'-sieur, je pense fous l'être ifre.
VIEUX BOURGEOIS BABILLARD
De tout ceci, franc et net,
Je suis mal satisfait; Et cela sans doute est laid, Que notre fille,
Si bien faite et si gentille, De tant d'amoureux l'objet,
N'ait pas à son souhait Un livre de ballet, Pour lire le sujet
Du divertissement qu'on fait, Et que toute notre famille
Si proprement s'habille, Pour être placée au sommet
De la salle, où l'on met Les gens de Lantriguet:
De tout ceci, franc et net, Je suis mal satisfait,
Et cela sans doute est laid.
VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDE
Il est vrai que c'est une honte, Le sang au visage me monte,
Et ce jeteur de vers qui manque au capital L'entend fort mal;
C'est un brutal, Un vrai cheval, Franc animal,
De faire si peu de compte D'une fille qui fait l'ornement principal
Du quartier du Palais-Royal, Et que ces jours passés un comte
Fut prendre la première au bal. Il l'entend mal;
C'est un brutal, Un vrai cheval, Franc animal.
HOMMES ET FEMMES DU BEL AIR
Ah! quel bruit! Quel fracas!
Quel chaos! Quel mélange! Quelle confusion!
Quelle cohue étrange! Quel désordre! Quel embarras!
On y sèche. L'on n'y tient pas.
GASCON
Bentré! jé suis à vout.
AUTRE GASCON
J'enrage, Diou mé damne!
SUISSE
Ah que ly faire saif dans sty sal de cians!
GASCON
Jé murs.
AUTRE GASCON
Jé perds la tramontane.
SUISSE
Mon foi! moi le foudrais être hors de dedans.
VIEUX BOURGEOIS BABILLARD
Allons, ma mie, Suivez mes pas,
Je vous en prie, Et ne me quittez pas:
On fait de nous trop peu de cas, Et je suis las De ce tracas:
Tout ce fatras, Cet embarras Me pèse par trop sur les bras.
S'il me prend jamais envie De retourner de ma vie
À ballet ni comédie, Je veux bien qu'on m'estropie.
Allons, ma mie, Suivez mes pas, Je vous en prie,
Et ne me quittez pas; On fait de nous trop peu de cas.
VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDE
Allons, mon mignon, mon fils,
Regagnons notre logis, Et sortons de ce taudis,
Où l'on ne peut être assis: Ils seront bien ébaubis
Quand ils nous verront partis.
Trop de confusion règne dans cette salle,
Et j'aimerais mieux être au milieu de la Halle.
Si jamais je reviens à semblable régale,
Je veux bien recevoir des soufflets plus de six.
Allons, mon mignon, mon fils, Regagnons notre logis,
Et sortons de ce taudis, Où l'on ne peut être assis.
TOUS
À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi,
Monsieur: Un livre, s'il vous plaît, à votre serviteur.
SECONDE ENTRÉE
Les trois Importuns dansent.
TROISIÈME ENTRÉE
TROIS ESPAGNOLS chantent.
Sé que me muero de amor, Y solicito el dolor.
Aun muriendo de querer, De tan buen ayre adolezco,
Que es mas de lo que padezco Lo que quiero padecer,
Y no pudiendo exceder A mi deseo el rigor.
Sé que me muero de amor, Y solicito el dolor.
Lisonxeame la suerte Con piedad tan advertida,
Que me assegura la vida En el riesgo de la muerte.
Vivir de su golpe fuerte Es de mi salud primor.
Sé que, etc.
Six Espagnols dansent.
TROIS MUSICIENS ESPAGNOLS
Ay! que locura, con tanto rigor
Quexarse de Amor, Del niño bonito Que todo es dulçura!
Ay! que locura! Ay! que locura!
ESPAGNOL, chantant.
El dolor solicita El que al dolor se da; Y nadie de amor muere,
Sino quien no save amar.
DEUX ESPAGNOLS
Dulce muerte es el amor Con correspondencia ygual;
Y si esta gozamos o, Porque la quieres turbar?
UN ESPAGNOL
Alegrese enamorado, Y tome mi parecer; Que en esto de querer,
Todo es hallar el vado.
TOUS TROIS ensemble.
Vaya, vaya de fiestas! Vaya de vayle! Alegria, alegria, alegria!
Que esto de dolor es fantasia.
QUATRIÈME ENTRÉE
ITALIENS
UNE MUSICIENNE ITALIENNE fait le premier récit,
dont voici les paroles:
Di rigori armata il seno,
Contro amor mi ribellai; Ma fui vinta in un baleno
In mirar duo vaghi rai; Ahi! che resiste puoco
Cor di gelo a stral di fuoco!
Ma si caro è'l mio tormento,
Dolce è sí la piaga mia, Ch'il penare è'l mio contento,
E'l sanarmi è tirannia. Ahi! che più giova e piace,
Quanto amor è più vivace!
Après l'air que la Musicienne a chanté, deux Scaramouches,
deux Trivelins et un Arlequin représentent une nuit à la
manière des comédiens italiens, en cadence.
Un Musicien italien se joint à la Musicienne italienne, et
chante avec elle les paroles qui suivent:
LE MUSICIEN ITALIEN
Bel tempo che vola Rapisce il contento; D'Amor nella scola
Si coglie il momento.
LA MUSICIENNE
Insin che florida
Ride l'età, Che pur tropp' orrida Da noi sen và.
TOUS DEUX
Sù cantiamo, Sù godiamo
Né bei dì di gioventù:
Perduto ben non si racquista più.
MUSICIEN
Pupilla che vaga Mill' alme incatena Fà dolce la piaga,
Felice la pena.
MUSICIENNE
Ma poiche frigida
Langue l'età, Più l'alma rigida Fiamme non ha.
TOUS DEUX
Sù cantiamo, etc.
Après le dialogue italien, les Scaramouches et Trivelins
dansent une réjouissance.
CINQUIÈME ENTRÉE
FRANÇAIS
PREMIER MENUET
DEUX MUSICIENS POITEVINS
dansent et chantent les paroles qui suivent.
Ah! qu'il fait beau dans ces bocages!
Ah! que le Ciel donne un beau jour!
AUTRE MUSICIEN
Le rossignol, sous ces tendres feuillages,
Chante aux échos son doux retour:
Ce beau séjour,
Ces doux ramages, Ce beau séjour Nous invite à l'amour.
SECOND MENUET
TOUS DEUX ensemble.
Vois, ma CLIMÈNE,
Vois sous ce chêne S'entre-baiser ces oiseaux amoureux;
Ils n'ont rien dans leurs vux Qui les gêne;
De leurs doux feux Leur âme est pleine. Qu'ils sont heureux!
Nous pouvons tous deux, Si tu le veux, Être comme eux.
Six autres Français viennent après, vêtus galamment à
la poitevine, trois en hommes et trois en femmes, accompagnés
de huit flûtes et de hautbois, et dansent les menuets.
SIXIÈME ENTRÉE
Tout cela finit par le mélange des trois nations, et les
applaudissements en danse et en musique de toute l'assistance,
qui chante les deux vers qui suivent:
Quels spectacles charmants, quels plaisirs goûtons-nous!
Les Dieux mêmes, les Dieux n'en ont point de plus doux.
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