L'École des Femmes Le texte de la Scène 9 Acte 5 de la pièce de Molière : L’École des FemmesARNOLPHE, à Agnès. Venez, belle, venez, Qu'on ne saurait tenir, et qui vous mutinez. Voici votre galant, à qui, pour récompense, Vous pouvez faire une humble et douce révérence. Adieu. (à Horace) L'événement trompe un peu vos souhaits; Mais tous les amoureux ne sont pas satisfaits. AGNÈS Me laissez-vous, Horace, emmener de la sorte? HORACE Je ne sais où j'en suis, tant ma douleur est forte. ARNOLPHE Allons, causeuse, allons. AGNÈS Je veux rester ici. ORONTE Dites-nous ce que c'est que ce mystère-ci, Nous nous regardons tous, sans le pouvoir comprendre. ARNOLPHE Avec plus de loisir je pourrai vous l'apprendre. Jusqu'au revoir. ORONTE Où donc prétendez-vous aller? Vous ne nous parlez point comme il nous faut parler. ARNOLPHE Je vous ai conseillé, malgré tout son murmure, D'achever l'hyménée. ORONTE Oui. Mais pour le conclure, Si l'on vous a dit tout, ne vous a-t-on pas dit Que vous avez chez vous celle dont il s'agit, La fille qu'autrefois de l'aimable Angélique, Sous des liens secrets, eut le seigneur Enrique? Sur quoi votre discours était-il donc fondé? CHRYSALDE Je m'étonnais aussi de voir son procédé. ARNOLPHE Quoi?... CHRYSALDE D'un hymen secret ma sœur eut une fille, Dont on cacha le sort à toute la famille. ORONTE Et qui sous de feints noms, pour ne rien découvrir, Par son époux aux champs fut donnée à nourrir. CHRYSALDE Et dans ce temps, le sort, lui déclarant la guerre, L'obligea de sortir de sa natale terre. ORONTE Et d'aller essuyer mille périls divers Dans ces lieux séparés de nous par tant de mers. CHRYSALDE Où ses soins ont gagné ce que dans sa patrie Avaient pu lui ravir l'imposture et l'envie. ORONTE Et de retour en France, il a cherché d'abord Celle à qui de sa fille il confia le sort. CHRYSALDE Et cette paysanne a dit avec franchise Qu'en vos mains à quatre ans elle l'avait remise. ORONTE Et qu'elle l'avait fait sur votre charité, Par un accablement d'extrême pauvreté. CHRYSALDE Et lui, plein de transport et d'allégresse en l'âme, A fait jusqu'en ces lieux conduire cette femme. ORONTE Et vous allez enfin la voir venir ici, Pour rendre aux yeux de tous ce mystère éclairci. CHRYSALDE Je devine à peu près quel est votre supplice; Mais le sort en cela ne vous est que propice: Si n'être point cocu vous semble un si grand bien, Ne vous point marier en est le vrai moyen. ARNOLPHE, s'en allant tout transporté et ne pouvant parler. Oh! ORONTE D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire? HORACE Ah! mon père, Vous saurez pleinement ce surprenant mystère. Le hasard en ces lieux avait exécuté Ce que votre sagesse avait prémédité: J'étais par les doux nœuds d'une amour mutuelle Engagé de parole avecque cette belle; Et c'est elle, en un mot, que vous venez chercher, Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher. ENRIQUE Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue, Et mon âme depuis n'a cessé d'être émue. Ah! ma fille, je cède à des transports si doux. CHRYSALDE J'en ferais de bon cœur, mon frère, autant que vous, Mais ces lieux et cela ne s'accommodent guères. Allons dans la maison débrouiller ces mystères, Payer à notre ami ses soins officieux, Et rendre grâce au Ciel qui fait tout pour le mieux. Design © 1995-2007 ZeFLIP.com All rights reserved. |