L'Étourdi Le texte complet de la pièce de Molière : L’Étourdi, ou le Contre-Temps. Acte 1 Scène 7
Mascarille. MASCARILLE Monsieur? PANDOLFE À parler franchement, Je suis mal satisfait de mon fils. MASCARILLE De mon maître? Vous n'êtes pas le seul qui se plaigne de l'être: Sa mauvaise conduite, insupportable en tout, Met à chaque moment ma patience à bout. PANDOLFE Je vous croiyais pourtant assez d'intelligence Ensemble. MASCARILLE Moi? Monsieur, perdez cette croyance: Toujours de son devoir je tâche à l'avertir; Et l'on nous voit sans cesse avoir maille à partir. À l'heure même encor nous avons eu querelle Sur l'hymen d'Hippolyte, où je le vois rebelle, Où par l'indignité d'un refus criminel, Je le vois offenser le respect paternel. PANDOLFE Querelle? MASCARILLE Oui, querelle, et bien avant poussée. PANDOLFE Je me trompais donc bien; car j'avais la pensée Qu'à tout ce qu'il faisait tu donnais de l'appui. MASCARILLE Moi! Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui, Et comme l'innocence est toujours opprimée. Si mon intégrité vous était confirmée, Je suis auprès de lui gagé pour serviteur, Vous me voudriez encor payer pour précepteur. Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage Que ce que je lui dis pour le faire être sage. "Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent, Cessez de vous laisser conduire au premier vent, Réglez-vous. Regardez l'honnête homme de père Que vous avez du Ciel, comme on le considère; Cessez de lui vouloir donner la mort au cœur, Et comme lui vivez en personne d'honneur." PANDOLFE C'est parler comme il faut. Et que peut-il répondre? MASCARILLE Répondre? Des chansons, dont il me vient confondre. Ce n'est pas qu'en effet, dans le fond de son cœur, Il ne tienne de vous des semences d'honneur; Mais sa raison n'est pas maintenant la maîtresse. Si je pouvais parler avecque hardiesse, Vous le verriez dans peu soumis sans nul effort. PANDOLFE Parle. MASCARILLE C'est un secret qui m'importerait fort, S'il était découvert; mais à votre prudence Je puis le confier avec toute assurance. PANDOLFE Tu dis bien. MASCARILLE Sachez donc que vos vœux sont trahis Par l'amour qu'une esclave imprime à votre fils. PANDOLFE On m'en avait parlé; mais l'action me touche, De voir que je l'apprenne encore par ta bouche. MASCARILLE Vous voyez si je suis le secret confident. PANDOLFE Vraiment, je suis ravi de cela. MASCARILLE Cependant À son devoir, sans bruit, désirez-vous le rendre? Il faut. (j'ai toujours peur qu'on nous vienne surprendre: Ce serait fait de moi s'il savait ce discours), Il faut, dis-je, pour rompre à toute chose cours, Acheter sourdement l'esclave idolâtrée, Et la faire passer en une autre contrée. Anselme a grand accès auprès de Trufaldin: Qu'il aille l'acheter pour vous dès ce matin. Après, si vous voulez en mes mains la remettre, Je connais des marchands, et puis bien vous promettre D'en retirer l'argent qu'elle pourra coûter, Et malgré votre fils de la faire écarter. Car enfin, si l'on veut qu'à l'hymen il se range, À cette amour naissante il faut donner le change; Et de plus, quand bien même il serait résolu, Qu'il aurait pris le joug que vous avez voulu, Cet autre objet, pouvant réveiller son caprice, Au mariage encor peut porter préjudice. PANDOLFE C'est très bien raisonné; ce conseil me plaît fort. Je vois Anselme; va, je m'en vais faire effort Pour avoir promptement cette esclave funeste, Et la mettre en tes mains pour achever le reste. MASCARILLE Bon, allons avertir mon maître de ceci. Vive la fourberie, et les fourbes aussi!
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