L'Étourdi

Le texte complet de la pièce de Molière : L’Étourdi, ou le Contre-Temps. Acte 3 Scène 01
<< L’Étourdi - Acte 2 Scène 11L’Étourdi - Acte 3 Scène 02 >>
MASCARILLE, seul.

Taisez-vous, ma bonté, cessez votre entretien:
Vous êtes une sotte, et je n'en ferai rien.
Oui, vous avez raison, mon courroux, je l'avoue:
Relier tant de fois ce qu'un brouillon dénoue,
C'est trop de patience, et je dois en sortir,
Après de si beaux coups qu'il a su divertir.
Mais aussi, raisonnons un peu sans violence:
Si je suis maintenant ma juste impatience,
On dira que je cède à la difficulté,
Que je me trouve à bout de ma subtilité;
Et que deviendra lors cette publique estime
Qui te vante partout pour un fourbe sublime,
Et que tu t'es acquise en tant d'occasions,
À ne t'être jamais vu court d'inventions?
L'honneur, Ô Mascarille, est une belle chose:
À tes nobles travaux ne fais aucune pause;
Et quoi qu'un maître ait fait pour te faire enrager,
Achève pour ta gloire, et non pour l'obliger.
Mais quoi? Que feras-tu, que de l'eau toute claire,
Traversé sans repos par ce démon contraire?
Tu vois qu'à chaque instant il te fait déchanter,
Et que c'est battre l'eau de prétendre arrêter
Ce torrent effréné, qui de tes artifices
Renverse en un moment les plus beaux édifices.
Hé bien! pour toute grâce, encore un coup du moins,
Au hasard du succès sacrifions des soins;
Et s'il poursuit encore à rompre notre chance,
J'y consens, ôtons-lui toute notre assistance.
Cependant notre affaire encor n'irait pas mal,
Si par là nous pouvions perdre notre rival,
Et que Léandre enfin, lassé de sa poursuite,
Nous laissât jour entier pour ce que je médite.
Oui, je roule en ma tête un trait ingénieux,
Dont je promettrais bien un succès glorieux,
Si je puis n'avoir plus cet obstacle à combattre:
Bon, voyons si son feu se rend opiniâtre.
<< L’Étourdi - Acte 2 Scène 11L’Étourdi - Acte 3 Scène 02 >>
ZeFLIP.com - Creations Internet