La Princesse d'Élide

Le texte de la troisème scène du premier acte de la pièce de Molière : La Princesse d’Élide
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La Princesse d'Élide parut ensuite, avec les princes de Messène et de Pyle, lesquels firent remarquer en eux des caractères bien différents de celui du prince d'Ithaque, et lui cédèrent dans le cœur de la Princesse tous les avantages qu'il y pouvait désirer. Cette aimable Princesse ne témoigna pas pourtant que le mérite de ce Prince eût fait aucune impression sur son esprit, et qu'elle l'eût quasi remarqué; elle témoigna toujours, comme une autre Diane, n'aimer que la chasse et les forêts; et lorsque le prince de Messène voulut lui faire valoir le service qu'il lui avait rendu, en la défaisant d'un fort grand sanglier qui l'avait attaquée, elle lui dit que, sans rien diminuer de sa reconnaissance, elle trouvait son secours d'autant moins considérable, qu'elle en avait tué toute seule d'aussi furieux, et fût peut-être bien encore venue à bout de celui-ci.

LA PRINCESSE et sa suite, ARISTOMÈNE, ARBATE, THÉOCLE, EURYALE, MORON.

ARISTOMÈNE

Reprochez-vous, Madame, à nos justes alarmes
Ce péril dont tous deux avons sauvé vos charmes?
J'aurais pensé, pour moi, qu'abattre sous nos coups
Ce sanglier qui portait sa fureur jusqu'à vous,
Etait une aventure (ignorant votre chasse)
Dont à nos bons destins nous dussions rendre grâce;
Mais à cette froideur je connais clairement
Que je dois concevoir un autre sentiment,
Et quereller du sort la fatale puissance
Qui me fait avoir part à ce qui vous offense.

THÉOCLE

Pour moi, je tiens, Madame, à sensible bonheur
L'action où pour vous a volé tout mon cœur,
Et ne puis consentir, malgré votre murmure,
À quereller le sort d'une telle aventure.
D'un objet odieux je sais que tout déplaît;
Mais, dût votre courroux être plus grand qu'il n'est,
C'est extrême plaisir, quand l'amour est extrême,
De pouvoir d'un péril affranchir ce qu'on aime.

LA PRINCESSE

Et pensez-vous, Seigneur, puisqu'il me faut parler,
Qu'il eût eu, ce péril, de quoi tant m'ébranler,
Que l'arc et que le dard, pour moi si pleins de charmes,
Ne soient entre mes mains que d'inutiles armes,
Et que je fasse enfin mes plus fréquents emplois
De parcourir nos monts, nos plaines et nos bois,
Pour n'oser, en chassant, concevoir l'espérance
De suffire, moi seule, à ma propre défense?
Certes, avec le temps, j'aurais bien profité
De ces soins assidus dont je fais vanité,
S'il fallait que mon bras, dans une telle quête,
Ne pût pas triompher d'une chétive bête!
Du moins si, pour prétendre à de sensibles coups,
Le commun de mon sexe est trop mal avec vous,
D'un étage plus haut accordez-moi la gloire,
Et me faites tous deux cette grâce de croire,
Seigneurs, que, quel que fût le sanglier d'aujourd'hui,
J'en ai mis bas sans vous de plus méchants que lui.

THÉOCLE

Mais, Madame.

LA PRINCESSE

Hé bien, soit. Je vois que votre envie
Est de persuader que je vous dois la vie.
J'y consens. Oui, sans vous, c'était fait de mes jours;
Je rends de tout mon cœur grâce à ce grand secours;
Et je vais de ce pas au Prince, pour lui dire
Les bontés que pour moi votre amour vous inspire.
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