La Princesse d'Élide Le texte de la troisème scène du premier acte de la pièce de Molière : La Princesse d’Élide
LA PRINCESSE et sa suite, ARISTOMÈNE, ARBATE, THÉOCLE, EURYALE, MORON. ARISTOMÈNE Reprochez-vous, Madame, à nos justes alarmes Ce péril dont tous deux avons sauvé vos charmes? J'aurais pensé, pour moi, qu'abattre sous nos coups Ce sanglier qui portait sa fureur jusqu'à vous, Etait une aventure (ignorant votre chasse) Dont à nos bons destins nous dussions rendre grâce; Mais à cette froideur je connais clairement Que je dois concevoir un autre sentiment, Et quereller du sort la fatale puissance Qui me fait avoir part à ce qui vous offense. THÉOCLE Pour moi, je tiens, Madame, à sensible bonheur L'action où pour vous a volé tout mon cœur, Et ne puis consentir, malgré votre murmure, À quereller le sort d'une telle aventure. D'un objet odieux je sais que tout déplaît; Mais, dût votre courroux être plus grand qu'il n'est, C'est extrême plaisir, quand l'amour est extrême, De pouvoir d'un péril affranchir ce qu'on aime. LA PRINCESSE Et pensez-vous, Seigneur, puisqu'il me faut parler, Qu'il eût eu, ce péril, de quoi tant m'ébranler, Que l'arc et que le dard, pour moi si pleins de charmes, Ne soient entre mes mains que d'inutiles armes, Et que je fasse enfin mes plus fréquents emplois De parcourir nos monts, nos plaines et nos bois, Pour n'oser, en chassant, concevoir l'espérance De suffire, moi seule, à ma propre défense? Certes, avec le temps, j'aurais bien profité De ces soins assidus dont je fais vanité, S'il fallait que mon bras, dans une telle quête, Ne pût pas triompher d'une chétive bête! Du moins si, pour prétendre à de sensibles coups, Le commun de mon sexe est trop mal avec vous, D'un étage plus haut accordez-moi la gloire, Et me faites tous deux cette grâce de croire, Seigneurs, que, quel que fût le sanglier d'aujourd'hui, J'en ai mis bas sans vous de plus méchants que lui. THÉOCLE Mais, Madame. LA PRINCESSE Hé bien, soit. Je vois que votre envie Est de persuader que je vous dois la vie. J'y consens. Oui, sans vous, c'était fait de mes jours; Je rends de tout mon cœur grâce à ce grand secours; Et je vais de ce pas au Prince, pour lui dire Les bontés que pour moi votre amour vous inspire.
Design © 1995-2007 ZeFLIP.com All rights reserved. |