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Le Tartuffe, ou l'Imposteur Le texte de la Scène 3 Acte 4 de la pièce de Molière : Le Tartuffe, ou l'Imposteur
ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLÉANTE, DORINE.
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ORGON |
| Ha, je me réjouis de vous voir assemblés.
(À Mariane.)
Je porte, en ce contrat, de quoi vous faire rire,
Et vous savez déjà ce que cela veut dire. |
MARIANE, à genoux. |
| Mon père, au nom du Ciel, qui connaît ma douleur, |
1280 | Et par tout ce qui peut émouvoir votre cœur,
Relâchez-vous un peu des droits de la naissance*,
Et dispensez mes vœux de cette obéissance*.
Ne me réduisez point, par cette dure loi,
Jusqu'à me plaindre au Ciel de ce que je vous doi: |
1285 | Et cette vie, hélas! que vous m'avez donnée,
Ne me la rendez pas, mon père, infortunée.
Si contre un doux espoir que j'avais pu former,
Vous me défendez d'être à ce que j'ose aimer;
Au moins, par vos bontés, qu'à vos genoux j'implore, |
1290 | Sauvez-moi du tourment d'être à ce que j'abhorre;
Et ne me portez point à quelque désespoir,
En vous servant, sur moi, de tout votre pouvoir. |
ORGON, se sentant attendrir. |
| Allons, ferme, mon cœur, point de faiblesse humaine. |
MARIANE |
| Vos tendresses pour lui, ne me font point de peine; |
1295 | Faites-les éclater, donnez-lui votre bien ;
Et si ce n'est assez, joignez-y tout le mien*,
J'y consens de bon cœur, et je vous l'abandonne.
Mais au moins n'allez pas jusques à ma personne,
Et souffrez qu'un couvent, dans les austérités, |
1300 | Use les tristes jours que le Ciel m'a comptés. |
ORGON |
| Ah! voilà justement de mes religieuses,
Lorsqu'un père combat leurs flammes amoureuses.
Debout. Plus votre cœur répugne à l'accepter,
Plus ce sera pour vous, matière à mériter. |
1305 | Mortifiez vos sens avec ce mariage,
Et ne me rompez pas la tête davantage. |
DORINE |
| Mais quoi... |
ORGON |
| Taisez-vous, vous. Parlez à votre écot*, |
| Je vous défends, tout net, d'oser dire un seul mot. |
CLÉANTE |
| Si par quelque conseil, vous souffrez qu'on réponde... |
ORGON |
1310 | Mon frère, vos conseils sont les meilleurs du monde,
Ils sont bien raisonnés, et j'en fais un grand cas;
Mais vous trouverez bon que je n'en use pas. |
ELMIRE, à son mari. |
| À voir ce que je vois, je ne sais plus que dire,
Et votre aveuglement fait que je vous admire*. |
1315 | C'est être bien coiffé*, bien prévenu de lui,
Que de nous démentir sur le fait d'aujourd'hui. |
ORGON |
| Je suis votre valet, et crois les apparences.
Pour mon fripon de fils, je sais vos complaisances,
Et vous avez eu peur de le désavouer |
1320 | Du trait qu'à ce pauvre homme il a voulu jouer.
Vous étiez trop tranquille enfin, pour être crue,
Et vous auriez paru d'autre manière émue. |
ELMIRE |
| Est-ce qu'au simple aveu d'un amoureux transport,
Il faut que notre honneur se gendarme si fort? |
1325 | Et ne peut-on répondre à tout ce qui le touche,
Que le feu dans les yeux, et l'injure à la bouche?
Pour moi, de tels propos, je me ris simplement,
Et l'éclat, là-dessus, ne me plaît nullement.
J'aime qu'avec douceur nous nous montrions sages, |
1330 | Et ne suis point, du tout, pour ces prudes sauvages,
Dont l'honneur est armé de griffes, et de dents,
Et veut, au moindre mot, dévisager* les gens.
Me préserve le Ciel d'une telle sagesse!
Je veux une vertu qui ne soit point diablesse, |
1335 | Et crois que d'un refus, la discrète froideur,
N'en est pas moins puissante à rebuter un cœur. |
ORGON |
| Enfin je sais l'affaire, et ne prends point le change. |
ELMIRE |
| J'admire, encore un coup, cette faiblesse étrange.
Mais que me répondrait votre incrédulité, |
1340 | Si je vous faisais voir qu'on vous dit vérité? |
ORGON |
| Voir? |
ELMIRE |
| Oui. |
ORGON |
| Chansons. |
ELMIRE |
| Mais quoi! si je trouvais manière |
| De vous le faire voir avec pleine lumière? |
ORGON |
| Contes en l'air. |
ELMIRE |
| Quel homme! Au moins répondez-moi. |
| Je ne vous parle pas de nous ajouter foi: |
1345 | Mais supposons ici, que d'un lieu qu'on peut prendre,
On vous fît clairement tout voir, et tout entendre,
Que diriez-vous alors de votre homme de bien? |
ORGON |
| En ce cas, je dirais que... Je ne dirais rien,
Car cela ne se peut. |
ELMIRE |
| L'erreur trop longtemps dure, |
1350 | Et c'est trop condamner ma bouche d'imposture.
Il faut que par plaisir, et sans aller plus loin*,
De tout ce qu'on vous dit, je vous fasse témoin. |
ORGON |
| Soit je vous prends au mot. Nous verrons votre adresse
Et comment vous pourrez remplir cette promesse. |
ELMIRE |
| Faites-le-moi venir. |
DORINE |
1355 | Son esprit est rusé, |
| Et peut-être, à surprendre, il sera malaisé. |
ELMIRE |
| Non, on est aisément dupé par ce qu'on aime,
Et l'amour-propre, engage à se tromper soi-même.
Faites-le-moi descendre ; et vous, retirez-vous.
( Parlant à Cléante, et à Mariane.) |
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