L'École des Maris Le texte de la Scène 3 Acte 1 de la pièce de Molière : L’école des maris
VALÈRE Ergaste, le voilà cet Argus que j'abhorre, Le sévère tuteur de celle que j'adore. SGANARELLE N'est-ce pas quelque chose enfin de surprenant Que la corruption des mœurs de maintenant! VALÈRE Je voudrais l'accoster, s'il est en ma puissance, Et tâcher de lier avec lui connaissance. SGANARELLE Au lieu de voir régner cette sévérité Qui composait si bien l'ancienne honnêteté, La jeunesse en ces lieux, libertine, absolue, Ne prend. VALÈRE Il ne voit pas que c'est lui qu'on salue. ERGASTE Son mauvais œil peut-être est de ce côté-ci: Passons du côté droit. SGANARELLE Il faut sortir d'ici. Le séjour de la ville en moi ne peut produire Que des... VALÈRE Il faut chez lui tâcher de m'introduire. SGANARELLE Heu!. J'ai cru qu'on parlait. Aux champs, grâces aux cieux, Les sottises du temps ne blessent point mes yeux. ERGASTE Abordez-le. SGANARELLE Plaît-il? Les oreilles me cornent. Là, tous les passe-temps de nos filles se bornent. (VALÈRE salue.) Est-ce à nous? ERGASTE Approchez. SGANARELLE Là, nul godelureau Ne vient. (VALÈRE resalue.) Que diable!. (Ergaste salue de l'autre côté.) Encor? Que de coups de chapeau! VALÈRE Monsieur, un tel abord vous interrompt peut-être? SGANARELLE Cela se peut. VALÈRE Mais quoi? l'honneur de vous connaître M'est un si grand bonheur, m'est un si doux plaisir, Que de vous saluer j'avais un grand désir. SGANARELLE Soit. VALÈRE Et de vous venir, mais sans nul artifice, Assurer que je suis tout à votre service. SGANARELLE Je le crois. VALÈRE J'ai le bien d'être de vos voisins, Et j'en dois rendre grâce à mes heureux destins. SGANARELLE C'est bien fait. VALÈRE Mais, Monsieur, savez-vous les nouvelles Que l'on dit à la cour, et qu'on tient pour fidèles? SGANARELLE Que m'importe? VALÈRE Il est vrai; mais pour les nouveautés On peut avoir parfois des curiosités. Vous irez voir, Monsieur, cette magnificence Que de notre Dauphin prépare la naissance? SGANARELLE Si je veux. VALÈRE Avouons que Paris nous fait part De cent plaisirs charmants qu'on n'a point autre part; Les provinces auprès sont des lieux solitaires. À quoi donc passez-vous le temps? SGANARELLE À mes affaires. VALÈRE L'esprit veut du relâche, et succombe parfois Par trop d'attachement aux sérieux emplois. Que faites-vous les soirs avant qu'on se retire? SGANARELLE Ce qui me plaît. VALÈRE Sans doute, on ne peut pas mieux dire: Cette réponse est juste, et le bon sens paraît À ne vouloir jamais faire que ce qui plaît. Si je ne vous croyais l'âme trop occupée, J'irais parfois chez vous passer l'après-soupée. SGANARELLE Serviteur.
Design © 1995-2007 ZeFLIP.com All rights reserved. |