L'École des Maris

Le texte de la Scène 4 Acte 1 de la pièce de Molière : L’école des maris
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VALÈRE, ERGASTE.

VALÈRE

Que dis-tu de ce bizarre fou?

ERGASTE

Il a le repart brusque, et l'accueil loup-garou.

VALÈRE

Ah! J'enrage!

ERGASTE

Et de quoi?

VALÈRE

De quoi? C'est que j'enrage
De voir celle que j'aime au pouvoir d'un sauvage,
D'un dragon surveillant, dont la sévérité
Ne lui laisse jouir d'aucune liberté.

ERGASTE

C'est ce qui fait pour vous, et sur ces conséquences
Votre amour doit fonder de grandes espérances:
Apprenez, pour avoir votre esprit affermi,
Qu'une femme qu'on garde est gagnée à demi,
Et que les noirs chagrins des maris ou des pères
Ont toujours du galant avancé les affaires.
Je coquette fort peu, c'est mon moindre talent,
Et de profession je ne suis point galant;
Mais j'en ai servi vingt de ces chercheurs de proie,
Qui disaient fort souvent que leur plus grande joie
Était de rencontrer de ces maris fâcheux,
Qui jamais sans gronder ne reviennent chez eux,
De ces brutaux fieffés, qui sans raison ni suite
De leurs femmes en tout contrôlent la conduite,
Et du nom de mari fièrement se parants
Leur rompent en visière aux yeux des soupirants.
"On en sait, disent-ils, prendre ses avantages;
Et l'aigreur de la dame à ces sortes d'outrages,
Dont la plaint doucement le complaisant témoin,
Est un champ à pousser les choses assez loin."
En un mot, ce vous est une attente assez belle,
Que la sévérité du tuteur d'Isabelle.

VALÈRE

Mais depuis quatre mois que je l'aime ardemment,
Je n'ai pour lui parler pu trouver un moment.

ERGASTE

L'amour rend inventif; mais vous ne l'êtes guère,
Et si j'avais été.

VALÈRE

Mais qu'aurais-tu pu faire,
Puisque sans ce brutal on ne la voit jamais,
Et qu'il n'est là dedans servantes ni valets
Dont, par l'appas flatteur de quelque récompense,
Je puisse pour mes feux ménager l'assistance?

ERGASTE

Elle ne sait donc pas encor que vous l'aimez?

VALÈRE

C'est un point dont mes vœux ne sont pas informés.
Partout où ce farouche a conduit cette belle,
Elle m'a toujours vu comme une ombre après elle,
Et mes regards aux siens ont tâché chaque jour
De pouvoir expliquer l'excès de mon amour.
Mes yeux ont fort parlé; mais qui me peut apprendre
Si leur langage enfin a pu se faire entendre?

ERGASTE

Ce langage, il est vrai, peut être obscur parfois,
S'il n'a pour truchement l'écriture ou la voix.

VALÈRE

Que faire pour sortir de cette peine extrême,
Et savoir si la belle a connu que je l'aime?
Dis-m'en quelque moyen.

ERGASTE

C'est ce qu'il faut trouver.
Entrons un peu chez vous, afin d'y mieux rêver.
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